« Qu’on ne m’accuse surtout pas de tenir une position antiféministe, je suis féministe et le serai toujours. Je me questionne simplement à propos d’un mouvement qui ne s’inquiète pas beaucoup de l’épanouissement des mères parce qu’à leurs yeux, dans le mot mère, il y a le mot piège ». Nathalie Collard
Un extrait de l’excellent essai de la journaliste et du Dr Jean-François Chicoine intitulé le Bébé et l’eau du bain.
Je me suis tellement reconnue dans cette phrase.
Il y a quelques semaines, chéri et moi avons décidé de la prolongation de mon congé de maternité… J’avoue que c’est la phrase que j’utilise car ça passe mieux aux oreilles de mes anciennes collègues, de nos amis et certains membres de nos familles. Mais dans les faits, nous avons décidé qu’il était préférable que je reste à la maison au moins les deux premières années de notre fils.
La décision a été très facile à prendre devant la pénurie de garderies décentes. Je ne m’imaginais pas le laisser 50h par semaine dans un endroit plus ou moins reconnue par l’État avec des éducatrices qui ont peu ou pas de formation en puériculture. Donc, le choix s’est imposé de lui-même.
Ce que je trouve ardu, c’est la suite des choses… Je réalise que je suis dorénavant la mère qu’à l’époque je regardais avec « pitié ». Celle qui se promenait avec un jean défraîchie, un t-shirt déformé et les cheveux qui aurait grandement besoin d’une coupe. Cette femme au foyer qui vie à un rythme d’une autre époque, qui passe la majeure partie de son temps à cuisiner et nettoyer…Bon je caricature, je sais, mais vous conviendrez avec moi qu’à moins d’avoir une nanny et le temps d’aller se prélasser au spa toute la journée, être maman à la maison c’est, a priori, pas très glamour!
Lorsque j’étais à l’université et que je m’intéressais aux auteurs féministes, je regardais les mères au foyer en me disant qu’au grand jamais je ne me retrouverais dans cette situation. J’étais persuadée que l’émancipation féminine passait en grande partie par la carrière…Correction, on m’a appris que le bonheur de la femme passait par une émancipation économique et professionnelle !
Mais voilà une fois devenue mère, ma vision des choses a quelque peu changé. Et maintenant, je doute que les concepts féministes actuels ne conviennent à plusieurs d’entre nous. Car, d’un côté on retrouve le modèle de la femme de carrière arborant son beau tailleur qui va déposer ses enfants à la garderie à 7h30 et qui court les récupérer à 17h, un repas congelé sous le bras et qui doit vivre une course folle pour les nourrir, leur donner leur bain et les coucher à une heure raisonnable et tout ça en 2h top chrono. Cette femme, finalement voit ces enfants que 10h en semaine! Et de l’autre, on retrouve la maman à la maison, archaïque, isolée à longueur de journée qui, l’hiver venu, doit soit s’inscrire à une tonne d’activités ( si elle à la chance d’en avoir dans son quartier et les moyens pour les payer ) ou soit arpenter les centres commerciaux dans l’espoir de croiser des adultes et échanger avec eux. Elle a généralement l’air de s’être échappée d’une zone de catastrophe et ne s’intéresse plus qu’à des recettes bio-équilibrés et aux blogs de mamans 😉
Ça résume un peu le cul de sac théorique où nous mènent ces deux stéréotypes.
On dirait que les féministes, fières d’avoir ouvert les portes du marché du travail à toute une génération ( et les suivantes ) ne peuvent pas s’imaginer qu’on puisse décider de mettre sa carrière de côté pour quelques temps et élever ses enfants. J’ai l’impression que la réflexion féministe a stagné et s’intéresse très peu aux mères d’aujourd’hui. Pas les mamans clichées que je viens d’illustrer mais à toutes celles qui se retrouve dans une zone plus grise.
- Aux femmes de carrière qui adorent leur boulot et leurs enfants et qui travailleraient des horaires plus variables si le système actuel le leur permettait. Ces femmes voudraient bien passer plus de temps avec leurs enfants sans nécessairement avoir à mettre leur carrière de côté.
- Il y a aussi d’autres femmes, qui comme moi ont fait des études et aspirent à une carrière enivrante mais qui décident d’élever leurs enfants à maison pendant quelques temps. Malheureusement devant le manque d’infrastructures communautaires et publiques, elles se retrouvent très souvent isolées et marginalisées.
- Il y a enfin celles qui n’ont pas le choix de travailler dans des boulots sous-payés qu’elles détestent par dessus le marché et qui doivent s’arracher le coeur tous les matins pour laisser leur bébé dans des endroits dont elles ne sont même pas sûres. Ces femmes se demandent pourquoi elles ne recevraient pas un montant de l’État pour rester à la maison avec leurs enfants ?
Je pense que nous avons aujourd’hui dépassé la dichotomie : féministe vs mère au foyer… Ne serait-il pas temps d’entamer une réflexion sur des solutions qui permettraient aux femmes de s’épanouir quelque soit la façon dont elles décident de vivre leur maternité ?
Très intéressant ton billet!
Je me reconnais beaucoup dans ta situation. J’ai fait 5 années d’université, j’ai un poste qui me plaît, mais j’ai envie d’être à la maison durant les premières années de mes enfants. Je suis donc moi aussi en « prolongation de congé de maternité ». Les gens sont toujours TRÈS soulagés d’entendre que « Oui oui, j’ai encore mon poste! » 😉
Bonjour Maman à bord,
Contente de te savoir de passage ici, d’autant plus que je lis régulièrement tes aventures avec tes trois magnifiques enfants !!! Merci pour le compliment à propos de ce billet 🙂
Bonjour,
Très intéressant comme post.
Nous ne sommes pas du même côté de l’océan, mais la problématique est bien la même.
Je ne suis pas mère au foyer, par choix. Mais être à la maison, ici aussi, est synonyme d’esclave domestique et est assez dévalorisé dans la tête des gens.
Les débats féministes portent essentiellement sur la nécessité absolue pour les femmes de travailler comme un homme !
Bonjour,
Merci pour ton commentaire. Comme quoi en Europe comme en Amériques le débat stagne depuis les années 90. En ce lendemain de la Journée de la Femme, j’ose souhaiter qu’on puisse ramener les enjeux féminins aux défis de notre époque.
Au plaisir d’échanger à nouveau!
Bonjour
je viens de découvrir ton blog en tapant « mère au foyer féministe » sur Google… j’aime beaucoup ton post, je me sens très proche de ce que tu décris,
je voulais te proposer de lire un billet que j’avais écrit il y a quelques mois, dans la même veine que le tien, sur le sujet « féminisme/mère au foyer »
https://infosbebe.wordpress.com/2010/12/09/feminisme-versus-mere-au-foyer/
je pense qu’il peut t’intéresser 🙂
Bonjour Marine,
Merci pour tes gentils commentaires. C’est avec plaisir que je découvre ton blog et j’espère avoir un peu plus de temps pour lire tes billets. Depuis, quelques mois je suis de retour au boulot et le temps me manque terriblement…
@bientôt!